Mémoires de Sacrieuses

Une femme extenuée ouvrit la porte de la chaumière, elle alluma d'une flamiche la torche suspendue au dessus de l'entrée, prit sa pittoresque lampe à huile qui était restée posée sur la petite commode adjacente à la porte et l'alluma. Après avoir posé ses affaires, elle enleva son imposant chapeau qui trônait sur sa tête depuis le matin, le mit sur le perruquier, elle enleva sa légère cape abîmée par le temps, l'accrocha au porte-manteau et se dirigea vers son petit bar à alcool. Elle sortit de la liqueur d'abraknyde sombre, la déversa dans un verre, qu'elle emporta vers son petit bureau de fortune. Elle trempa sa plume fétiche, une plume que le Maître Corbac lui avait offert de son propre plumage, en l'occasion d'un quelconque service qu'elle lui aurait rendu concernant un Iop qui voulait le plumer. Cette plume avait la vertu de ne jamais manquer d'encre, aussi, une fois trempé dans de l'encre de Kralamour Géant, jamais elle ne s'assécherait du liquide. Elle se mit alors à écrire sur du parchemin de la Bibliothèque Royale de Bonta, également offert en remerciement d'une quelconque épopée.

Ma tendre épaule,
La journée fut plus qu'éprouvante.
Fais moi rappeler de prendre rendez-vous avec un spécialiste de la vision, je ne suis plus sûr de voir correctement, en effet, tout à l'heure, j'ai frappé dans le vide à 4 reprises d'affilée, je n'arrivais plus à diriger mes coups vers le Craqueleur Légendaire auquel nous nous opposions avec hargne, moi, Lauren, et Spirin.
Il semble qu'il n'y ait pas que moi qui ait quelques problèmes de contrôle en ce moment, tout à l'heure, dans l'arène de Bonta, Ryliane a libéré d'un coup un, deux, trois, quatre Rois des Bouftous, je puis me rappeler que nous avons fort ri. J'ai réalisé l'un de mes rêves, j'ai enfin réussi à arracher de la tête d'un bouftou une de ces coiffes qui m'ont fait tant chavirer dans ma jeunesse, même si elle n'est plus d'aucune utilité.
Je ne cesse de me languir de ne pouvoir enfiler les vêtements et bijoux que je me suis procuré, malheureusement, je n'ai pas encore la sagesse nécessaire pour pouvoir les utiliser avec la plus grande précaution. Les étoffes sont d'une des plus belles qualités, il y a notamment un masque du Rat Noir, ainsi que sa ceinture et ses bottes, je me suis également procuré les amulettes et l'anneau du Dragon Cochon, te rappelles-tu de cette grosse bête que nous avions à l'époque écrasé avec l'aide d'Adent et de je ne sais qui d'autre ? C'était le bon temps. J'ai également retrouvé l'alliance que mon père avait offert à ma mère, d'apparence très simple, c'était en fait une boule de gelée rouge montée sur un cercle de métal, qu'il avait dû quérir dans la fameuse péninsule qui borde Sufokia.
Heureusement, mon cher mari m'aide du mieux qu'il peut à acquérir la sagesse nécessaire, aujourd'hui, après quelques monstres des plaines du Nord, nous nous sommes dirigés pour la première fois encore plus au Nord, et nous y avons rencontré de terrifiants monstres, de gros loups, ainsi qu'une grosse bête, encore plus imposante que notre cher Hayoross, elle portait un gros marteau et semblait pouvoir nous écraser d'un coup. Malgré cela, Iox a réussi à se faufiler entre les bois, tout en déclenchant des tempêtes, qui mirent du temps à venir à bout de la bête. Cet exploit m'a cependant fait apprendre beaucoup moins que ces chers Kanigrous, aussi, je pense que nous nous contenterons de ces grosses boules jaunes.
Notre chère doyen a atteint le centième cercle symbolique ce matin, et cet après midi, nous nous sommes tous dirigés vers les plages de la belle île de Moon, où nous avons collecté des carapaces de tortues bleues, à la fin de la journée, il a pu assembler divers ingrédients et créer la cape des carapaces, celle-ci ne me plait guère, mais le sourire qu'il portait aux lèvres ne me donna pas la force de critiquer les faibles compétences qu'elle lui infusait.
Il se fait tard, je ne vais pas bien tarder, ma liqueur étant finie, je vais te laisser reposer dans mon austère bibliothèque, une bonne nuit de repos m'est méritée, demain nous réserve sûrement des surprises.

Elle referma le petit journal, qu'elle emporta vers un coin de la pièce, où d'autres du même type étaient entreposés, elle plaça celui-ci au dessus des autres, et se dirigea vers le petit matelas qui était disposé près de sa cheminée, dont les flammes crépitaient dans la douceur des nuits d'Amakna, s'y coucha, et s'endormit aussi vite que les pas d'un Bitouf des Airs.

Il était tard quand la dame rentra à sa chaumière. Les Kilibriss et les Craqueleurs s'étaient endormis, tandis que Corbacs et Ouginaks entammaient leurs activitées nocturnes. La jeune femme était couverte de poils violets, blancs, bruns ou encore jaunes, elle s'en débarassa grossièrement, tapant de ses mains sur les vêtements qui l'habillaient. Une fois dénudée de ses vêtements, elle tira sur une petite anse fixée au plafond, aussitôt, de l'eau chaude se déversa dans la bassine en bois réhaussée sur une petite estrade en bois, laquelle était entourée de fentes rectilignes, qui servaient sans aucun doute à évacuer les eaux qui auraient pu s'échaper de la bassine, évitant ainsi toute inondation. Cet ingénieux système avait était conçu par un habile bricoleur de Bonta qui lui avait facturé le tout pour une bonne somme de kamas, dont son portefeuille s'en souvient encore. Après son bain, elle s'enveloppa dans une serviette en poil de kanigrou, plus douce que le duvet du torse d'un mulou.
Après s'être seché, elle s'asseyat à son bureau, ainsi vêtue, elle sortit du tiroir sa plume, alla chercher son cahier de notes dans la petite étagère, l'ouvrit et se mit à écrire.

Cher journal,
Les journées sont de plus en plus longues, et de plus en plus éprouvantes. Je dois redoubler mes efforts pour atteindre les objectifs que je me suis fixé, si seulement tout était histoire de motivation, je les aurais déjà atteint. Je ne rechigne pas à l'effort, chaque monstre écrasé me rapproche de mon but, et je me dois de les affronter malgré tous les maux qui puissent m'atteindre en ces dures heures. Mon mari m'est d'une grande aide, même si il essaie désormais de conjuguer sagesse avec argent, ce qui ne m'aide pas dans mon but, mais je ne peux lui en vouloir, il s'est effectivement hissé trop vite sur l'échelle de la sagesse, sans prendre en compte ses besoins.
Le frère de notre meneur, Lenyoross, ne cesse d'accroître ses pouvoirs de guérison, nous sortons pratiquement indemne de tous combats en sa présence, ce qui n'est pas à notre déplaisir. Hayoross non plus n'arrive pas à s'en remettre. Grâce à leurs dons combinés aux notres, notre guilde réussit désormais à vaincre le célèbre Meulou, et nous ne cessons de nous aventurer dans les méandres de sa demeure. A tel point que j'en revient couvert de poils chaque soir ! Cela nous change des repères blops, que nous nous étions lassés de fréquenter, désormais nous passons à la catégorie supérieure et c'est tant mieux !
Je me languis de réaliser les projets que nous avons établi pour la soirée de la fin de semaine, nous avons en effet prévu d'aller écarteler le fameux Moon, et d'appréhender ainsi son célèbre marteau, plus qu'utile et réputé pour les personnages agiles comme moi ! Notre équipe n'est peut-être pas assez puissante d'apparence, mais nos pouvoirs sont tellement divers, que nous avons de fortes chances d'aboutir à nos projets. Le rôle que je jouerais dans l'opération sera essentiel, je serais chargé d'éviter que le Moon ne nous échappe d'entre les pattes, avec l'adresse que je détiens, seul un coup bien porté de sa part pourrait mettre en péril notre réussite, mais les probabilités sont très basses, mais pas inexistantes, ce qui intensifie la pression qui pèse sur mes épaules.
Je vais cesser de déblaterer et je vais laisser l'encre s'encrer dans tes entrailles, je vais aller me reposer.

Après avoir rangé le petit carnet et avoir fait égoutter la plume, elle dessera la serviette de kanigrou qui lui serrait la taille, et se glissa dans son lit recouvert de couettes et duvets. Elle s'endormit presque aussitôt, en cette nuit étoilée, ses rêves semblaient remplies du petit singe marron qu'elle convoitait depuis bien des lunaisons ...